Yv

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Je lis, je lis, je lis, depuis longtemps. De tout, mais essentiellement des romans. Pas très original, mais peu de lectures "médiatiques". Mon vrai plaisir est de découvrir des auteurs et/ou des éditeurs peu connus et qui valent le coup.

Cambourakis

22,00
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15 décembre 2014

Milena Jesenska est née à Prague en 1896 et morte à Ravensbrück en mai 1944. Elle fut journaliste, traductrice de Kafka, femme assez libre, mariée et divorcée, convertie au communisme, résistante dès l'invasion de la Tchécoslovaquie par les nazis. Les textes publiés ici sont des articles parus dans divers journaux entre 1919 et 1939. Une partie bibliographie clôt le recueil.

La première chose qui frappe c'est la modernité de la langue, sa limpidité ; je ne sais pas quelle est la part de la traduction dans cet aspect ; traduite dès 1950, la modernité ne serait peut-être pas aussi présente aujourd'hui. Les articles sont parfois légers, sur la mode, sur la vie enjouée à Vienne malgré la difficulté d'y vivre à l'époque ; dans la postface il est expliqué qu'en 1918, suite à la chute des Habsbourg, l'Autriche est réduite, au bord du gouffre, et malgré cela Vienne continuait à vivre comme si de rien n'était. On sent d'ailleurs chez Milena Jesenska une certaine légèreté teintée de profondeur. D'autres articles sont plus profonds, plus sérieux. Le recueil recense une palette assez large de l'auteure. Intéressant pour la connaître un peu mieux. Néanmoins, malgré tout cela, je ne me suis jamais vraiment senti captivé par les sujets. Il me manque pas mal de repères chronologiques et géopolitiques. Une date juste après le titre de l'article eut été la bienvenue. La biographie en début de volume ou alors des dates importantes en fin de volume, juste pour qu'on se repère plus aisément.

Un échec sans en être totalement un puisqu'il m'a permis de connaître Milena Jesenska.

Anne-Marie Métailié

20,00
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15 décembre 2014

Einar, journaliste à Reykjavik assiste au mariage de Katrin et Saga, deux femmes de ses amies. La fête est gâchée lorsqu'un paquet est ouvert, sordide, de très mauvais goût. Puis l'une des mariées meurt, un suicide de prime abord...

De cette série avec Einar, j'ai aimé Le septième fils, moins L'ange du matin. Ce que je reprochais à ce dernier, je pourrais le réécrire quasiment mot pour mot pour L'ombre des chats. Une action longue à démarrer, des considérations politiques qui m'échappent, des dialogues nombreux et peu pertinents, bref je m'ennuie. C'est une série qui peut avoir ses adeptes, d'ailleurs mon amie Véronique en parle bien sur Les huit plumes, je vous laisse donc avec elle pour une note positive.

18,90
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7 décembre 2014

Une petite précision liminaire s'impose pour les ignares comme moi qui ne savent pas ce qu'est le Darknet. C'est un réseau à part de l'Internet, dans lequel on entre par cooptation, sur invitation. Les adresses IP sont codées, les noms sont des pseudonymes et il n'est pas aisé de remonter aux sources. C'est un réseau qui accueille le pire et le meilleur : des sites hébergeant des activités illégales (pédophilie, vente d'armes, de drogues, ...) mais aussi des sites dissidents notamment dans les pays dans lesquels le droit d'expression n'est pas respecté (Reporter Sans Frontière forme les journalistes à ne pas laisser de trace sur le Darknet). Dans ses remerciements Laurent Bettoni précise qu'avant une discussion anodine avec son fils, il n'en connaissait rien non plus.

Après son Artus Bayard et les maîtres du temps, Laurent Bettoni part dans une direction plus noire, franchement sombre. Ce Mauvais garçon est une descente dans les arcanes du Web et une descente absolument pas programmée pour Thomas pourtant, sur le papier promis à un bel avenir. Toutes les idées que l'on peut avoir sur les gens des cités y sont, ce qu'on pourrait penser être des clichés surtout lorsqu'on n'y vit pas ou n'y a jamais vécu, mais L. Bettoni amène ça assez subtilement. La drogue, le deal, les filles chahutées (c'est un euphémisme), le racisme, le chômage, les difficultés de sortir de ce milieu à cause de l'ostracisme régulier dont souffrent les habitants, la peur des parents que leurs enfants tournent mal, la peur des enfants lorsqu'ils aspirent à autre chose que la zone, la honte qu'ils peuvent avoir de leurs parents au chômage ou qui vivent d'allocations diverses, ... Thomas souffre de tout cela et entrevoit un rayon d'espoir lorsque son ex-prof fait appel à lui. Il prendra conscience du pouvoir des mots et des idées, de la force d'icelles lorsqu'elles sont bien présentées. Moi-même au début, je me suis fait prendre, je me disais que le Darknet pouvait véhiculer des pistes de réflexion intéressantes, et puis, très vite, j'ai déchanté, mais je vous laisse découvrir tout cela.
Laurent Bettoni plonge son Candide dans un panier de crabes, celui de la politique et des accointances que certains partis et hommes politiques entretiennent avec des sociétés ou des hommes pas très recommandables, mais ils ont de l'argent. Je ne veux pas dire ici ce que l'on peut entendre au café du commerce, le fameux "tous pourris", je veux croire que beaucoup d'élus sont honnêtes et œuvrent -ou tentent d'œuvrer- pour le bien de tous, néanmoins certains d'entre eux et pas des moindres traînent des batteries de casseroles, ceux sans doute à qui le livre est adressé : "Aux politiciens de tous bords qui confondent tactique politicienne et conscience politique, de manière à ne servir que leur intérêt personnel et jamais celui du peuple." (p.7) Les propos tenus dans le forum Ideo font froid dans le dos, mais dans la vraie vie (In Real Life = IRL, comme je devrais dire parlant de l'Internet), la parole se libère et de plus en plus, dans les médias, dans les conversations, de tels mots sont entendus, le racisme quotidien, la peur et la haine de l'autre, le repli sur soi et sous son drapeau. Sous couvert d'un relatif anonymat l'Internet est le réceptacle de propos parfois franchement dégueulasses. On insulte, on dénigre... Beurk !
Le roman de Laurent Bettoni est noir, direct ; une fois entamé, on ne peut le refermer que fini. Une excellente idée que de mêler la vraie vie à une vie plus souterraine, celle du Darknet. On pourrait se consoler en se disant que c'est de l'anticipation ou de la fiction, mais je crains que cette histoire ne recèle quelques grosses parts de vérités et que les claques politiques ne se multiplient.

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7 décembre 2014

Si j'avais eu quelques réserves sur Gwaz-Ru, elles se sont toutes envolées avec ce second tome (que l'on peut lire indépendamment du premier ; Hervé Jaouen a eu l'excellente idée d'un prologue qui resitue son histoire dans l'époque et les lieux, qui résume son premier roman). Pourquoi aucune réticence de ma part ? Parce qu'encore une fois l'écriture d'Hervé Jaouen me transporte, lisez par exemple le portrait que fait Gwaz-Ru de deux de ses enfants, pas tendre, très dur même, mais tellement jouissif à lire : "Maurice et Julienne n'avaient jamais inspiré à Gwaz-Ru la fierté de les avoir fabriqués. Son sang de rebelle ne coulait pas dans leurs veines.

Ces deux-là, déplorait-il étaient de la race des moutons à tondre. [...] Ces deux nikun (= Personnes quelconques, sans caractère, [note bas de page]) rallieraient, adultes, l'immense armée des automates dont on se demande ce qu'ils sont venus foutre sur terre sinon alimenter la chaîne économique, de l'industrie du biberon à la culture des chrysanthèmes, l'une des sources de profit de Goarem-Treuz, nécrophilait Gwaz-Ru. Ces gens-là n'étaient que de simples unités de production décérébrées qui progressaient vers l'avenir en avalant un présent sans sel et en pondant les étrons parfaitement moulés de l'uniformité." (p.37) La suite du portrait de Maurice est délicieuse, une sorte de poésie argotique, populaire ; du langage imagé dont Gwaz-Ru use et abuse pour mon plus grand bonheur. Il a des fulgurances, des phrases qui n'appellent aucun commentaire superflu, des sentences définitives, des prédictions sombres qui s'avèrent quelques années plus tard. Anticlérical, bouffeur de curés et des gens de droite, un caractère en acier trempé il s'accommode mal des demi-mesures et des gens qui hésitent. Un personnage absolument génial qui par sa stature et son caractère fait de l'ombre aux autres, même si dans le lot de ses enfants certains oseront le défier et pas que sur ses vieux jours ; et Tréphine, comme beaucoup des femmes de l'époque est discrète mais œuvre en coulisse pour le bien-être de tous, absolument pas effacée.
Chaque enfant aura un destin écrit dans le roman, des pages qui lui sont consacrées. Cette grande famille éclatera plusieurs fois, se retrouvera puis éclatera de nouveau, pas forcément de la même manière ; certains qui se sont perdus de vue se retrouveront, d'autres s'éloigneront, d'autres encore ne vivront que pour l'héritage qu'ils soupçonnent. A travers cette famille, Hervé Jaouen brosse un portrait de l'époque, de la fin de la guerre au début du XXI° siècle. Le changement est en marche, le modernisme débarque jusque dans les campagnes les plus reculés malgré parfois la résistance des anciens, Gwaz-Ru n'est pas enclin à dépenser pour installer l'eau courante, l'électricité. La campagne change, la ville avance et Goarem-Treuz, jusque là loin du centre de Quimper se retrouvera bien vite la proche banlieue. C'est toute l'histoire de la seconde moitié du siècle dernier que raconte l'auteur. Inévitablement, je pense à mes grands-parents, nés en début de siècle voire à la fin du XIX° qui l'ont vécue en direct. Ce n'était pas Quimper, mais la Bretagne du sud, entre le sud de l'Ille-et-Vilaine et le nord de la Loire-Inférieure comme on disait à l'époque pour mes grands-parents paternels et le Pays de Retz pour mes grands-parents maternels ; et les récits de mes parents me reviennent en mémoire...
D'habitude, je ne lis pas les romans du genre saga, je ne m'y retrouve pas, mais il y a les sagas et les sagas d'Hervé Jaouen, qui à l'instar de celle-ci, sont tout simplement formidables.

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7 décembre 2014

Des retrouvailles très appétissantes avec Laure et Paco, après une première rencontre dans Petits meurtres à l'étouffée qui se déroulait dans la région lyonnaise. Cette fois-ci, c'est la Normandie, ses spécialités culinaires, son terroir et ses paysages qui sont à l'honneur. Pommes à toutes les sauces, solides ou liquides et crème bien sûr, puisque le poison est en icelle. Les amateurs de polars rapides et sanglants seront déçus, on est plutôt dans une série qui allie terroir et meurtre(s) en même temps que la littérature, puisqu'un tenancier de maison d'hôtes souhaite ouvrir un restaurant qui ne servirait que des plats issus de l'œuvre de Marcel Proust ; je ne suis pas spécialiste de l'écrivain qui séjournait régulièrement en Normandie, mais certains passages cités ont l'air de véritables recettes de cuisine : "Faites-moi au moins l'honneur de goûter à mes spécialités proustiennes... Cette semaine, je compte sur toi pour me donner ton avis : c'est très important et tu m'aideras à finaliser ma carte. J'ai préparé un bœuf mode en gelée, tel qu'il est évoqué dans Le Temps retrouvé et A l'ombre des jeunes filles en fleurs. C'était un des plats préférés du grand Marcel... Servez-vous !" (p.27/28)

Le ressort de bouquin n'est pas dans un suspense intenable ou dans des coulées d'hémoglobine. Non, il est dans la découverte de la région et dans la description des gens qui l'habitent et qui sont véritablement habités par leur passion du bon. Il est aussi dans le travail de journalisme, dans le souci de mettre en valeur tant par la photo que par les textes les producteurs et restaurateurs rencontrés. Et c'est lors de ces rencontres que Laure tend l'oreille et recueille des informations, des rumeurs, des bribes de conversations. Laure n'enquête donc pas vraiment, elle accumule et à un moment ou un autre, une hypothèse naît. Elle peut alors s'en ouvrir au capitaine de gendarmerie Cadour. Reste alors à trouver à qui profite le crime. Sur ce coup-ci, Laure a bénéficié de l'aide précieuse d'Amandine sa fille-adolescente et de Daphné, une collaboratrice du magazine venues passer le week-end en Normandie.
Un roman très plaisant, léger, qui met le lecteur en joie, le fait rire ou sourire, qui se lit aisément, d'un seul coup puisqu'on n'a pas envie de le poser, à rapprocher bien sûr de la série Le sang de la vigne (dont Noël Balen est également le co-auteur). Une série aux couvertures très reconnaissables, sobres et parfaites et aux titres évocateurs tant pour la cuisine que pour le polar. Vivement la suite, normalement, Un cadavre en toque.